ACTE 5 SCENE 6

ACTE 5 SCENE 6

SCENE VI. – DOMINIQUE, HONORE, ELISE, ANGELIQUE, CYPRIS, PHILIPPE, CYPHER.

 

CYPHER, se relevant de son brancard.

Défunt, avez-vous dit ?

 

ELISE

Qui parle maintenant ?

 

CYPHER

Vous m’avez enterré, Madame, prestement !

Mes hommages !

 

ELISE

Cypher ?

 

CYPHER

C’est moi, votre binôme !

J’ai compris ! Vous croyez que je suis un fantôme !

 

ELISE

Horreur ! Un revenant !

 

HONORE

Je n’en reviens pas, moi !

 

ELISE

Je suis coite…

 

 

HONORE

C’est le fantôme de « sans-voix » !

 

CYPHER

Mes aïeux, quel fromage !

 

HONORE

Alors vous, camembert !

 

CYPHER, à Elise.

Certes, j’aurais mieux fait de changer de crémière !

Mais baste ! Oublions tout, que je suis un cruel,

Baste des calomnies, des lettres, des duels,

Des complots malveillants, des revanches cyniques,

Des racontars jaloux, des conduites iniques.

Que ce soit envers vous ou votre zélateur,

Je ne conserverai pas la moindre rancœur,

Non. Ce ressentiment à mon âme est rebelle.

Je veux tout oublier. La journée est trop belle !

Regardez ces amants nageant en pleine idylle,

Pour lesquels un destin radieux se profile,

Des jours insouciants, amoureux et bohèmes.

Que demander de plus ? J’aime quand les gens s’aiment !

Et je devais manquer ces instants de bonheur ?

Ç’aurait été dommage, non ? A la bonne heure !

Ma chère, vous aussi, oubliez vos épées ;

J’aimerais que tous deux, nous fassions la paix.

 

ELISE

Comment ? Faire la paix ? Jamais ! ! Plutôt mourir !

Elle s’empare de l’épée d’Honoré qui est à côté d’elle et s’avance, décidée, vers Cypher.

Et c’est moi, maintenant, qui vous ferai périr !

On n’est jamais servi si bien que par soi même !

 

HONORE, à Elise.

Faites-lui une fleur !

 

ELISE

Alors des chrysanthèmes !

 

PHILIPPE, qui agrippe le bras d’Elise.

Halte-là !

 

CYPHER, à Elise.

Savez-vous que vous êtes pénible ?

Vous êtes entêtée, obtuse, incorrigible,

Stupide autant qu’imbue, faraude et péremptoire !

Alors, écoutez bien le fin mot de l’histoire.

Je gage qu’à coup sûr, vous allez vous gausser :

Philippe est un agent de la Maréchaussée.

On ne se méfie pas assez de l’eau qui dort !

Je lui dois d’être ici et de n’être point mort,

Car il est fort rusé, bien qu’il n’en ait pas l’air ;

 

CYPRIS

Oui, s’il a peu de chien, il a beaucoup de flair !

Il avait décelé votre supercherie

Et m’avait prévenu sitôt de la rouerie.

 

CYPHER

Cypris s’en vînt chez moi brandissant son fleuret ;

Il était précédé par Messire Honoré.

Avec acharnement, les deux se disputèrent

L’honneur de m’embrocher, si bien que, de concert,

Ils penchèrent enfin pour un tirage au sort

Et qui l’emporterait pourrait me mettre à mort.

Pour mon plus grand bonheur, Cypris eût plus de chance ;

Honoré se plia à la seule exigence

Que Cypris, s’il était le vainqueur du duel,

Devrait lui concéder ma dépouille mortelle.

L’affaire fut conclue et l’on put commencer

A lutter, ferrailler. Honoré commentait

Chacun de nos envois et gaussait de nous.

Mais soudain je tombai accroupi, à genoux,

Je n’en ai souvenance, et là, mon camarade

Feignit de me porter ici son estocade,

M’ordonnant à mi-mots de simuler la mort.

Donc, sans tergiverser, je laissai choir mon corps.

Cypris se redressa et, lorsqu’il fut debout,

En toisant Honoré, lui dit : « Il est à vous ! ».

 

HONORE, à Cypris.

C’est assez bien joué, mais vous avez triché !

 

CYPRIS

Nullement, cher Monsieur ! C’était notre marché.

 

CYPHER, à Elise.

Je puis vous pardonner, bien sûr, c’est dans mes cordes,

Mais vous ne voulez point de ma miséricorde

Et votre entêtement finit par me lasser.

Je cède la parole à la Maréchaussée.

S’adressant à Philippe.

A toi.

 

PHILIPPE, se coiffant d’un képi.

Maréchaussée nationale, bonjour !

Hé bien, c’est du joli ! Vraiment, c’est beau l’amour !

Vos papiers !

 

ELISE

Quels papiers ?

 

PHILIPPE

Vous m’allez présenter

Les pièces faisant foi de votre identité.

 

ELISE

Mais vous me connaissez, c’est pourquoi je m’étonne !

 

PHILIPPE

En service, jamais ! Je ne connais personne !

 

ELISE

Etes-vous fou, mon vieux, sénile ou bien sadique ?

 

PHILIPPE, notant sur un carnet.

Outrage à un agent de la force publique !

 

ELISE

Sacrebleu, c’est trop fort ! Vos façons me dégoutent !

 

PHILIPPE

Et vous recommencez ! Tant pis, je le rajoute !

Il prend des notes sur un calepin.

Tout ce que vous direz céans, dans cette salle,

Sera mentionné sur le procès verbal,

Et pour vous éviter quelque fâcheux dégâts,

Je vous conseillerais de prendre un avocat.

Allons dépêchons-nous ! Montrez-moi vos papiers ?

 

ELISE

Au fond, je n’ai pas tort ; vous êtes fou à lier !

 

PHILIPPE

Très bien. Vous ne voulez donc pas coopérer ?

Vous me voyez forcé de vous mettre aux arrêts.

A la Maréchaussée, Madame, on ne se frotte ;

Vous-vous êtes piquée. En avant ! Les menottes !

ELISE

Je ne permettrai point, Monsieur, que l’on me touche !

Il lui passe les menottes et la fait asseoir.

 

PHILIPPE

Silence, ou je vous mets un bâillon sur la bouche !

 

ELISE

Fichtre, quel malotru !

 

HONORE, à Elise.

Si vous restiez quiète !

Cessez de vous conduire ainsi qu’une fillette !

 

PHILIPPE

Accusée, levez-vous ! Il semble, à l’évidence,

Si j’ai bien écouté toutes vos confidences

Que vous êtes coupable, avec faits aggravants,

Des délits que je cite et des crimes suivants :

Faux, usage de faux à visée criminelle,

Complot prémédité. Les preuves sont formelles !

Tentative de meurtre, abus de confiance,

Subterfuge proscrits, tricherie, manigance,

Et enfin groupement de malfaiteurs.

 

ELISE

J’enrage !

 

PHILIPPE

Il me faut rajouter, c’est vrai, vos deux outrages,

Plus une tentative d’empoisonnement.

 

ELISE

Du poison ? C’est nouveau ! Chez moi ?

 

PHILIPPE

Certainement !

La bouteille de vin qu’à midi vous sortîtes

Etait empoisonnée.

 

ELISE

La bouteille, vous dites ?

 

PHILIPPE

J’ai bu, de ce vin là, quelques franches rasades,

Et je fus tout le jour horriblement malade.

 

 

ELISE

Alors, monsieur l’agent, tout cela, est-ce grave ?

 

PHILIPPE

Non ! Ce sont, à la loi, de petites entraves !

 

ELISE

Bon, je suis soulagée !

 

PHILIPPE

Fort bien, car ces vétilles

Ne devraient vous coûter quinze ans de bastille !

 

ELISE

Quinze ans ? Et mon valet ?

 

PHILIPPE

Etant votre complice,

Il devra, lui aussi, comparaître en justice.

Il passe les menottes au valet.

 

ELISE

Il n’a pas d’avocat !

 

PHILIPPE

Mais c’est peine perdue,

Puisqu’à l’accoutumée, les valets sont pendus !

 

ELISE

Sans même qu’on les juge ?

 

PHILIPPE

A quoi bon !

 

ELISE

C’est honteux !

 

PHILIPPE

Les procès, aujourd’hui, sont lents et très coûteux

Alors que les bourreaux, ne soyons pas stupides,

Sont bien meilleur marché et surtout, plus rapides.

S’adressant à Elise et à Dominique.

Mes amis, ce n’est pas, bien sûr, que l’on s’ennuie,

Mais il faut s’en aller.

 

ELISE

Après vous !

 

 

PHILIPPE

Je vous suis.

Philippe sort, accompagné de ses deux prisonniers.

 

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