ACTE 3 SCENE 4

SCENE IV. – ELISE, DOMINIQUE.

 

ELISE

Qui frappe encor ?

 

DOMINIQUE

C’est moi ! C’est votre humble valet

Qui vous entend souffrir et voudrait vous parler.

Vos plaintes, semble-t-il, étaient à mon adresse ;

Mais vos joues sont humides, ma pauvre maîtresse !

 

ELISE

J’accuse un coup fatal. Pourquoi vous empresser ?

Laissez-moi, je me meurs. Mon âme est trop blessée.

 

DOMINIQUE

Votre voix chancelante et vos pleurs en témoignent.

D’où diantre provient la douleur qui vous poigne ?

 

ELISE

Je suis déshonorée par une trahison

Que j’oublierais peut-être en buvant du poison.

 

DOMINIQUE

Quoi ? Vous n’y songez point ! Reprenez-vous, Madame,

Et dites-moi plutôt qui est ce traitre infâme ?

 

ELISE

C’est ma meilleure amie, du moins, je le croyais,

Qui, de mon amitié, cette nuit s’est raillée,

A cause de Cypher et leur ignominie

Me plonge dans l’enfer d’une lente agonie.

Pourquoi ingurgiter quelque venin mortel ?

Je n’en ai point la force et ma souffrance est telle

Que la mort me saisit sans qu’il soit nécessaire

D’aller la provoquer. Je la sens qui m’enserre.

 

 

DOMINIQUE

Allons, vous divaguez ! Voilà trop d’inepties

Que j’entends malgré moi déblatérer ici.

Certes, vous subissez un certain déplaisir ;

Comprenez toutefois qu’il faut vous ressaisir !

Comment donc à la mort ferez-vous allégeance ?

Pour ma part, j’opterais plutôt pour la vengeance.

Du poison, disiez-vous ? Vous perdez la raison !

La vindicte est la clé de votre guérison !

Ecoutez, à présent : Cypris, et non Cypher,

Fut, je vous le redis, l’auteur de cet impair.

J’en suis certain, vous dis-je ! Assez d’être têtue !

Le propos de Philippe est un malentendu.

S’il n’est point cependant d’argument qui ne vaille,

Elargissez alors le champ des représailles

A Cypris, Angélique, et Cypher, si besoin !,

Ceux qui vous ont touchée ou de près ou de loin.

Qu’importe de passer pour un être sans cœur ?

Qu’est-il de plus grisant qu’une franche rancœur !

Car la haine à l’amour est bien sûr comparable ;

Leurs élans si puissants sont pour le moins semblables.

Pour aimer vivement, pour haïr hardiment,

Convenez avec moi qu’il faut du sentiment.

Affrontez, vengez-vous, mais j’aime autant vous dire

Qu’il vous faudra passer des nuitées sans dormir,

Avant qu’en un éclair de génie ou de chance,

Vous ne trouviez enfin les clés de la vengeance.

Et je ne saurais trop vous conseiller d’attendre ;

La victoire en sera délectable et plus tendre.

A ce sujet, d’ailleurs, ne dit on pas, je crois,

Qu’elle est un plat fameux que l’on déguste froid ?

A quoi donc songez-vous ? Vous restez interdite ?

 

ELISE

J’écoute assidûment tout ce que vous me dites.

Vos paroles sensées, bien qu’elles soient affreuses,

Me charment cependant et me laissent rêveuse.

Car j’en veux à Cypher qui m’a trompée bon gré

En se riant de moi sans l’once d’un regret.

Je déteste Angélique au gracile minois

Et je me vengerai de ces êtres sournois.

A compter d’aujourd’hui, ils vivront un enfer ;

Au centuple ils auront ce que, moi, j’ai souffert !

J’ignore à cet instant le moyen de m’y prendre,

Mais cette fourberie, je promets de leur rendre.

A ce projet, mon sang s’échauffe dans mes veines.

 

DOMINIQUE

La soif de vous venger ! La rancœur et la haine !

Des bruits sourds se font entendre dans la maison.

Quelqu’un s’en vient…

ELISE

En bas.

 

DOMINIQUE

Je vais m’en enquérir.

Peut-être est-ce Cypher ?

 

ELISE

Ça ne me fait pas rire !

Dominique sort et revient peu après.

 

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