ACTE III
La scène se divise en deux parties. La première est la chambre d’élise ;
Dans la seconde se trouve une table immense.
Dominique entre en trombe dans la chambre d’Elise et celle-ci se réveille en sursaut.
SCENE I. – ELISE, DOMINIQUE.
DOMINIQUE, portant un plateau pour le petit déjeuner d’Elise.
Madame, permettez qu’ainsi je vous réveille.
Je m’en veux d’écouter votre profond sommeil,
Mais il se fait bien tard…
ELISE
Quel temps fait-il dehors ?
DOMINIQUE
Le ciel est nuageux et le vent souffle encore.
ELISE
Maussade, pour changer ! Ce pays est maudit !
Pourquoi n’ai-je habité plutôt dans le midi ?
Parlons peu, parlons bien : les échos sur le bal ?
DOMINIQUE
Ce fut, pour tout le monde, un succès sans égal.
ELISE
C’est tout ce qu’on a dit ?
DOMINIQUE
Ils étaient enchantés !
ELISE
C’est pour moi, ce plateau ?
DOMINIQUE
Oui, pour vous sustenter :
Du pain, du café noir et du sirop d’érable.
ELISE
Non, ne l’amenez point. Laissez-le sur la table.
J’aimerais, pour l’instant, encor me reposer.
Aussi, par conséquent, vous pouvez disposer.
DOMINIQUE
Le café ?
ELISE
Vous le réchaufferez, s’il est froid !
Ne vous ai-je pas dit de me laisser, je crois ?
Le valet fait mine de sortir puis revient dans la chambre.
DOMINIQUE
J’aurais donc tout le temps cette creuse cervelle !
J’omettais de vous dire une grande nouvelle…
ELISE
Laissez-moi deviner…
DOMINIQUE
Alors, je dois me taire.
ELISE
Votre nouvelle, en fait, est loin d’être un mystère :
Le désordre d’hier qui régnait à foisons
N’est plus qu’un souvenir. C’est cela ? J’ai raison ?
Et si bien qu’à présent, je n’ai rien à redire.
Mais c’est chose normale. Veuillez déguerpir !
DOMINIQUE
Je n’avais point l’idée de ces menus services ;
Mon information est bien plus novatrice.
ELISE
Alors, vous m’annoncez, mais en exagérant,
La venue d’un ami ou d’un proche parent.
J’y suis, avouez-le ! J’en suis presque certaine !
De qui dois-je espérer la visite prochaine ?
DOMINIQUE
Je vous dirais, au risque de vous décevoir,
Que personne, non plus, n’a prévu de vous voir.
ELISE
Quand donc cesserez-vous de me faire languir ?
Hâtez-vous, s’il vous plaît. Qu’aviez-vous à me dire ?
DOMINIQUE
Je veux tout bonnement parler de certains bruits
Qui circulaient hier, sur les coups de minuit.
L’on a pu observer, dans des poses lascives,
Avec un damoiseau, l’une de vos convives.
ELISE
Faut-il s’en étonner ?
DOMINIQUE
Mais…
ELISE
Ces choses, ma foi,
Arrivent, sachez-le, plus vite qu’on ne croit.
C’était ça, la nouvelle ? Elle est d’un superflu !
Sans aucun intérêt, alors, n’en parlons plus.
DOMINIQUE
Si j’en crois les rumeurs, il semble qu’il s’agisse
De Madame Angélique et d’un certain… Cypris.
ELISE
Angélique ?
DOMINIQUE
Et Cypris…
ELISE
J’ai grand peine à l’entendre !
C’est impossible, enfin ! Vous devez vous méprendre.
D’ailleurs, avez-vous vu ce que prétendez ?
DOMINIQUE
Je l’ai juste entendu, sans l’avoir regardé.
ELISE
Cet aveu me convient, qui plus est, me rassure.
DOMINIQUE
Je n’en démordrai point car mes sources sont sûres.
ELISE
Dois-je encor deviner le prénom de vos sources ?
C’en est trop, répondez ! Ma bonne humeur s’émousse !
DOMINIQUE
C’est Philippe, Madame.
ELISE
Ah, ce stupide ivrogne !,
Qui est, lorsqu’il a bu, clairvoyant comme un borgne !
Avez-vous remarqué que ce pauvre soudard
Etait plus qu’éméché, qu’il avait l’œil hagard ?
De la même façon, avez-vous réussi
A mesurer l’ampleur de sa polydipsie ?
Comment avez-vous pu croire benoîtement
Ces racontars malsains, inventés, sûrement ?
DOMINIQUE
Je pourrais en effet prendre plus de recul
Et, devant ce récit, me montrer moins crédule.
Or, bien que celui-ci paraissait ivre mort,
Cypher, qui l’écoutait, ne lui donnait pas tort.
Certes, tout comme vous, il accusât d’emblée
Son interlocuteur d’avoir la vue troublée.
Mais s’il a pu douter, ce n’est que par principe,
Il croyait fermement aux aveux de Philippe,
Les sachant, malgré tout, fondés et véridiques.
Je l’ai vu, en dépit de sa mine sceptique.
Il m’a d’ailleurs semblé, ce dont je fus surpris,
Qu’en entendant cela, Cypher n’ait rien appris.
ELISE
Vous allez, à mon sens, un peu vite en besogne ;
Ces ragots sont issus du cerveau d’un ivrogne,
Aimable, c’est un fait. Mais fut-ce à contre cœur,
Une sage prudence était là de rigueur.
Assez polémiquer, maintenant. Nous causons,
Ce qui ne nous dit pas si Philippe à raison.
La preuve est dans ces murs, sommeillant comme un loir,
Un étage plus haut, dans le petit boudoir.
Mon hospitalité ne puit se prolonger,
Cet hôte a bien dormi. Allons l’interroger !
Courez vite au dessus, l’extirper de sa couche,
Pour que la vérité sorte enfin de sa bouche.
Je vous attends ici avec l’énergumène,
Le temps de m’habiller.
DOMINIQUE
C’est cela, je l’amène.
Dominique sort de la chambre. Pendant ce temps, Elise se prépare.
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