SCENE III. – ELISE, seule.
ELISE
Ah, c’était donc bien vrai ! Notre amie Angélique
File dans le secret des amours bucoliques
Avec le monstrueux Cypher. Oh, le bourreau !
Que n’ai-je donc pas vu tantôt ces tourtereaux !
Non, je ne soupçonnais pas une telle issue ;
J’en suis plus que navrée, terriblement déçue.
La petite menteuse ! Elle s’est ri de moi
En jurant haut et fort, avec fougue, avec foi
Que pour toucher son cœur, c’était bien difficile
Alors qu’elle est en fait une fille facile !
Et son père sachant la voulait surveiller ;
Son absence, à coup sûr, comme un gant lui seyait !
Le brave Dominique avait presque raison,
Mais la réalité est pire, ô, trahison !
Angélique est pourtant une amie que j’estime ;
Je la croyais aussi ma confidente intime.
Je découvre aujourd’hui l’abus de confiance
Qui me fait la leçon par cette récompense.
Déshonorée je suis, par ma meilleure amie !
Je ne pourrais souffrir une telle infamie.
Par bonheur, cette fois, Dominique fut preste
Et pût, dès ce matin m’informer de ce geste.
Ce qui m’abat le plus, c’est que cette avanie
Eût lieu en ce logis, comble d’ignominie !
Mon âme est envahie d’une rancœur subite ;
Qu’ai-je donc fait au ciel ? Serais-je donc maudite ?
Et comment oublier Cypher, ce misérable,
Qui s’est montré sans cœur, répugnant, détestable.
Ce méchant sanguinaire à la rage féline
M’a rendue, sans regret, d’une flamme orpheline.
Pour couronner l’horreur de sa vilenie crasse,
Ce rustre m’a trompée. Enfin, mais quelle audace !
De surcroît, se coiffant de ma meilleure amie,
Dans mes murs ! Bien voyons, ce soir, tout est permis !
Je crois que je le hais. Son souvenir m’aliène !
Non, je l’aime bien trop. Il faut qu’il me revienne
Sinon, je le tuerai ! Suis-je folle ou fiévreuse ?
Que nenni ! Simplement, je suis très malheureuse !
Il faudra se résoudre à conspuer cet homme.
Il me fait trop mal. Il est néfaste, en somme.
Dans ces larmes salées coule mon infortune.
Je suis lasse et minée. Cette vie m’importune.
Quelle idée saugrenue d’organiser ce bal !
S’il fut apprécié, moi, il me fut fatal.
Lorsque mes invités nagent dans l’allégresse,
Je suis la seule en proie à l’ingrate tristesse.
Aurais-je le soutien d’une âme charitable ?
A quoi bon se leurrer : je suis inconsolable.
Abandonné, lâchée, haïe de tout le monde.
Honnie et détestée, pis qu’une moribonde !
Cypher m’anéantit plus encor qu’Angélique ;
Je n’entends rien à rien. Alors, que l’on m’explique !
Je n’ai plus que dégoût, qu’amertume et mépris
Comme lot quotidien. Je l’ai fort bien compris.
Il se peut que Philippe ait l’âme plus sensible
Que celle de ses pairs ? Bah ! Non, c’est impossible !
Pourrait-il s’attendrir sur mon sort malheureux ?
Saurait-t-il seulement se montrer chaleureux ?
Il semblerait pourtant davantage à l’écoute
Que ses tristes compères, c’est vrai, mais sans doute
Malgré son air joyeux, malgré sa bonhomie,
Il ne doit guère mieux valoir que ses amis.
L’on constate aisément que se brave garçon
Ne connaît que deux mots : ripailles et boissons !
Comment donc ce quidam de bien mauvais aloi
Viendrait-il au secours de mon âme aux abois ?
Mon destin n’est voué qu’aux douloureux tourments
Et je devrais cesser d’espérer vainement.
Ces malheurs conjugués me laissent bien pensive ;
Je ne puis me résoudre à demeurer passive.
Il me faut inventer un savant stratagème
Afin de conjurer cet injuste anathème.
Mais où sont les ferments enfouis dans mon cœur
Pour m’aider à lutter et vaincre ma rancœur ?
Faut-il que je m’obstine à sans cesse pleurer ?
Où trouverai-je un dieu que je puisse implorer ?
Je suis seule, égarée ; que faut-il que je fasse ?
La réponse est ardue. Pire, elle me dépasse !
Dominique, au secours ! Votre bonne maîtresse
Déprime, se morfond et se meurt de tristesse !
Quelqu’un cogne à la porte.
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