ACTE 2 SCENE 1

ACTE 1 SCENE 6

ACTE II

 

Le bal se déroule chez Elise.

Sur la scène figurent deux salles : l’une où évoluent des danseurs ;

L’autre dans laquelle les convives se restaurent.

 

SCENE I. – ELISE et CYPHER.

 

Les protagonistes s’expliquent au milieu des danseurs.

 

ELISE

Avancez cher Cypher. Quel bon vent vous amène ?

Vous faites triste mine. Avez-vous quelque peine ?

 

CYPHER

Pourquoi donc ? Que nenni ! Je suis fort jovial.

Comment ne le serait-on point à votre bal ?

 

ELISE

Je vous en remercie.

 

CYPHER

Non ! Si je viens vers vous,

Ce n’est point, mon amie, des délices si doux

Et des feux lumineux de ce vaste palais

Dont je désirerais à présent vous parler.

Un tout autre sujet, ma mie, me préoccupe

Sur lequel, à mon sens, vous n’êtes pas si dupe.

 

ELISE

Quel galimatias ! C’est rude pour vous suivre !

Parlez-moi sans détours. Allez, veuillez poursuivre.

 

CYPHER

Je m’en vais, avec vous, être franc et sincère.

Les liens tissés d’antan, aujourd’hui se desserrent.

L’amour donne des ailes ! Il est pour moi contrainte

Et je ne souffre plus votre étouffante étreinte.

L’amour qu’à votre endroit, jadis, j’ai pu vouer

N’était point débordant ; faut-il vous l’avouer ?

Loin de la passion qui ronge les entrailles,

Tout juste une flammèche, à peine un feu de paille.

Mais lorsque je vous vis, vilaine certes pas,

Alors j’ai succombé, faible. Mea culpa !

Et depuis cet instant, ma faiblesse persiste ;

Je vous cède en tout points et jamais ne résiste.

J’aurais dû sur-le-champ repousser vos avances.

Maintenant j’en pâtis, cruelle pénitence !

Ce n’est point un plaisir délicat et subtil

Que de temporiser vos humeurs versatiles.

Dès lors, vous entendez qu’il me faille au plus tôt

Sortir de ce carcan, desserrer votre étau,

Car vous êtes, ma mie, de surcroît, possessive

Et je ne souffre plus d’avoir l’âme captive.

Ce soir, le dernier nœud de vos rets a cédé.

Pour ma part, j’ai fini.

 

ELISE

Ah, je m’y attendais !

Monsieur joue le martyr et les Saints Innocents.

Ne parlez point ainsi. C’est grotesque, indécent !

Car il est trop aisé de cueillir une rose,

De se gaver du miel que la fleur vous propose

Jusqu’à ne plus vouloir de ses sucs, écœuré,

Et jeter celle-ci n’ayant plus intérêt,

Pour conserver enfin l’unique souvenir

Des épines pointues qui vous ont fait souffrir.

De vos bons sentiments, si j’ai pu présumer,

Il les faut, mon ami, à présent assumer.

M’aviez-vous accordé votre consentement ?

 

CYPHER

Je vous l’ai bien donné. J’étais alors dément !

 

ELISE

Comment donc pouvez-vous divaguer de la sorte ?

 

CYPHER

C’est pourtant bel et bien le fardeau que je porte !

Chaque fois qu’impuissant, je vous cédais un peu,

Je descendais plus bas dans l’enfer et ses feux,

Livrant mon propre sort à votre volonté,

Brûlant dans ce brasier toutes mes facultés.

Pour conclure, entendez, de cet amour terni,

Qu’il me faille au plus tôt abréger l’agonie.

Adieu, ma bonne amie, mes sentiments sont morts !

Je n’ai point de regret, ni même de remords.

 

ELISE

Si les vôtre sont morts, les miens sont plus tenaces ;

Ma flamme est vigoureuse et la vôtre fugace.

Mais je vous avouerais que j’ai peine à vous croire.

Il subsiste toujours l’étincelle d’espoir

Dans un feu qu’on croyait à tout jamais éteint,

Qui peut le raviver au moment opportun.

Sous l’ardente poussée, toujours plus il croîtra

Et bientôt sera tel qu’un soleil d’Asmara.

 

CYPHER

Ne vous efforcez point de faire miroiter

Un bonheur impossible auquel j’ai pu goûter.

Vous devez oublier leurres et artifices

Qui ne pourront en rien rétablir mon supplice.

 

ELISE

Vous le prenez ainsi, mais malgré vos ardeurs,

Vous resterez à moi !

 

CYPHER

Dame ! Un peu de pudeur !

 

ELISE

Point ne sert de rugir comme un petit lion !

Je me sens de mâter voter rébellion.

Et qu’à cela ne tienne, il est bien plus grisant

De devoir conquérir un cœur si résistant.

Dussiez-vous faussement demeurer désinvolte,

Je saurais rabrouer vos accents de révolte.

A nouveau, mon ami, vous allez abdiquer,

Obligé, malgré vous, de faillir, d’obliquer.

Car vous n’ignorez point que je suis la plus forte

A ce jeu d’endurance, et sur vous, je l’emporte.

 

CYPHER

J’en viens à constater par ces propos légers

Et fats, que vous n’avez aucunement changé.

Toujours égale à vous, pédante et suffisante ;

Pourtant, votre défaite est sévère et cuisante.

Cessez, je vous prie, ces sursauts inutiles ;

Vos aspirations sont désormais futiles !

 

ELISE

Vous reviendrez vers moi, Cypher. Je vous le jure !

 

CYPHER

Je puis donc exulter ! Ce serment me rassure !

Adieu, adieu mignonne ! Il est temps de m’enfuir ;

Notre amour affaissé ne peut se reconstruire.

 

ELISE

Vous l’avez lézardé, acharné destructeur,

Inscrivant une plaie à jamais dans mon cœur !

 

CYPHER

Pourquoi vous tourmenter ? Tantôt votre blessure

Saura cicatriser. Croyez-moi, j’en suis sûr !

Mais avant de partir, vous laissant en recluse,

Je vous prierais, ma mie, d’accepter mes excuses.

Non point que je regrette à présent ce discours,

Mais de l’avoir tenu simplement à ce jour.

Veuillez bien pardonner cette indélicatesse

Qui, à votre soirée, colporte la tristesse.

Or, bien que douloureuse, elle était nécessaire.

 

ELISE

Vous serez désormais mon premier adversaire.

Si vous fûtes jadis, un ami attentif,

Je ne vous savais point si pleutre et si rétif.

Sachez qu’à votre endroit j’ai eu tant de scrupules !

Combien je m’en voudrai d’être à ce point crédule !

 

CYPHER

Oubliez, par pitié, cette vaine amourette !

Pardonnez-moi encor de gâcher votre fête.

Pour tenter de gagner votre miséricorde,

Puis-je avec vous danser ?

Cypher offre son bras à Elise.

 

ELISE, à contrecœur.

Bien soit. Je vous l’accorde.

 

CYPHER

Oh ! Ne vous forcez point !

 

ELISE

Avant d’ouvrir la guerre,

J’accepte volontiers cette offre cavalière.

Elise et Cypher dansent ainsi pendant quelques instants, puis celui-ci abandonne sa cavalière afin de rejoindre Cypris.

 

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