SCENE II. – DOMINIQUE, HONORE, ELISE.
Dominique introduit Honoré dans la grande salle ou l’attend Elise.
ELISE
Approchez, Honoré. Entrez, je vous prie,
Et de gêne, ma foi, ne restez point pétri.
HONORE
Non, je reste debout. Pas le temps de m’asseoir !
ELISE
Ce crapaud vous tendait pourtant ses accoudoirs !
Quelle mine avez-vous ! Vous semblez fort mari !
HONORE
Oui, dans mon cœur meurtri, ce n’est point l’euphorie.
ELISE
La lettre, n’est-ce pas ?
HONORE
Oui.
ELISE
Quelle félonie !
Je voudrais partager de votre acrimonie.
Mais j’y pense, Honoré ; avez-vous vu Cypher ?
HONORE
Tout à fait ! Il est mort.
ELISE
Grand dieux ! A-t-il souffert ?
HONORE
Souffert ? Sincèrement, je n’en sais que trop rien…
Si c’est le cas, tant mieux ! Il le méritait bien !
ELISE
Vous l’avez terrassé au cours d’un bref combat ?
HONORE
Non. Je n’étais pas seul à vouloir son trépas.
ELISE
Ah ?
HONORE
J’étais sur le point de punir ce farceur
Lorsqu’un hurluberlu entra dans sa demeure,
Passablement froissé, incontrôlable, bref…
Il avait, semble-t-il, un sérieux grief…
Contre son compagnon.
ELISE
Ceux-ci se connaissaient ?
HONORE
Oui, mais dans ma querelle, il venait s’immiscer
Alors que je tenais tout personnellement
A embrocher Cypher.
ELISE
Et l’autre ?
HONORE
Egalement.
Rien n’était suffisant pour nous départager ;
Nos vies, pareillement, il avait saccagé.
Pour savoir qui de nous aurait cette bataille,
Il n’était qu’un moyen, un seul : la courte paille.
Nous tirâmes au sort. La guigne m’acheva ;
L’autre était plus en veine et la grande enleva.
Je rageai, je pestai contre mon imposteur
D’être réduit à n’être là qu’un spectateur.
Mais la chance en avait décidé autrement
Et le duel pouvait commencer, maintenant.
Ainsi, je regardai résigné tous leur gestes…
ELISE
Alors ? Vous regardiez ?
HONORE
Vous connaissez le reste !
Les attaques fusaient et Cypher, pêle-mêle,
Bondissait de partout comme une sauterelle.
Et hop, un bond à gauche, et hop, un bond à droite,
Ses coups étaient risqués, ses ruses maladroites.
Et hop, un bond à gauche, il semblait un dindon
S’affairant à danser sur l’air d’un rigodon.
Au fond, je m’ennuyais. Ce combat fut lassant,
A tel point qu’à la fin, c’en devînt agaçant.
Enfin, l’autre eût l’idée de se placer de face
Puis de lui assener un puissant coup de grâce.
Ainsi donc fut lavée la sordide avanie ;
Le bougre a cher payé toutes ses félonies.
Cependant, je ne fus qu’à moitié consolé
Car j’aurais préféré moi-même l’immoler.
ELISE
Pourtant, je ne parviens à croire qu’il soit mort !
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